Introduction

La lecture est un de mes loisirs préféré, et afin de le partager, d' abord avec ma fille, puis pourquoi pas avec vous, j' ai crée "Les lectures de Joëlle".
Mais j' aime aussi aller au cinéma (trop peu à mon goût), au théâtre (si rare!).
J'aime faire avec mon mari de grandes promenades dans la nature mais aussi visiter les villes.
Découvrir les musées, et au rythme de nos pas les rues, les façades des maisons et leur histoire, l' histoire des gens qui y vécurent et parfois y vivent encore.
Et comme j' aime aussi écrire... Je viendrai ici partager mes émotions, mes "échappées" du quotidien avec vous.

jeudi 11 décembre 2014

Patrick MODIANO


J'ai été profondément émue en écoutant quelques extraits du discours de Modiano lors de la réception de son prix Nobel. Voici ce discours.
Le 7 décembre 2014
Je voudrais vous dire tout simplement combien je suis heureux d’être parmi vous et combien je suis ému de l’honneur que vous m’avez fait en me décernant ce prix Nobel de Littérature.

C’est la première fois que je dois prononcer un discours devant une si nombreuse assemblée et j’en éprouve une certaine appréhension. On serait tenté de croire que pour un écrivain, il est naturel et facile de se livrer à cet exercice. Mais un écrivain – ou tout au moins un romancier – a souvent des rapports difficiles avec la parole. Et si l’on se rappelle cette distinction scolaire entre l’écrit et l’oral, un romancier est plus doué pour l’écrit que pour l’oral. Il a l’habitude de se taire et s’il veut se pénétrer d’une atmosphère, il doit se fondre dans la foule. Il écoute les conversations sans en avoir l’air, et s’il intervient dans celles-ci, c’est toujours pour poser quelques questions discrètes afin de mieux comprendre les femmes et les hommes qui l’entourent. Il a une parole hésitante, à cause de son habitude de raturer ses écrits. Bien sûr, après de multiples ratures, son style peut paraître limpide. Mais quand il prend la parole, il n’a plus la ressource de corriger ses hésitations.

Et puis j’appartiens à une génération où on ne laissait pas parler les enfants, sauf en certaines occasions assez rares et s’ils en demandaient la permission. Mais on ne les écoutait pas et bien souvent on leur coupait la parole. Voilà ce qui explique la difficulté d’élocution de certains d’entre nous, tantôt hésitante, tantôt trop rapide, comme s’ils craignaient à chaque instant d’être interrompus. D’où, sans doute, ce désir d’écrire qui m’a pris, comme beaucoup d’autres, au sortir de l’enfance. Vous espérez que les adultes vous liront. Ils seront obligés ainsi de vous écouter sans vous interrompre et ils sauront une fois pour toutes ce que vous avez sur le cœur.

L’annonce de ce prix m’a paru irréelle et j’avais hâte de savoir pourquoi vous m’aviez choisi. Ce jour-là, je crois n’avoir jamais ressenti de manière aussi forte combien un romancier est aveugle vis-à-vis de ses propres livres et combien les lecteurs en savent plus long que lui sur ce qu’il a écrit. Un romancier ne peut jamais être son lecteur, sauf pour corriger dans son manuscrit des fautes de syntaxe, des répétitions ou supprimer un paragraphe de trop. Il n’a qu’une représentation confuse et partielle de ses livres, comme un peintre occupé à faire une fresque au plafond et qui, allongé sur un échafaudage, travaille dans les détails, de trop près, sans vision d’ensemble.

Curieuse activité solitaire que celle d’écrire. Vous passez par des moments de découragement quand vous rédigez les premières pages d’un roman. Vous avez, chaque jour, l’impression de faire fausse route. Et alors, la tentation est grande de revenir en arrière et de vous engager dans un autre chemin. Il ne faut pas succomber à cette tentation mais suivre la même route. C’est un peu comme d’être au volant d’une voiture, la nuit, en hiver et rouler sur le verglas, sans aucune visibilité. Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez pas faire marche arrière, vous devez continuer d’avancer en vous disant que la route finira bien par être plus stable et que le brouillard se dissipera.

Sur le point d’achever un livre, il vous semble que celui-ci commence à se détacher de vous et qu’il respire déjà l’air de la liberté, comme les enfants, dans la classe, la veille des grandes vacances. Ils sont distraits et bruyants et n’écoutent plus leur professeur. Je dirais même qu’au moment où vous écrivez les derniers paragraphes, le livre vous témoigne une certaine hostilité dans sa hâte de se libérer de vous. Et il vous quitte à peine avez-vous tracé le dernier mot. C’est fini, il n’a plus besoin de vous, il vous a déjà oublié. Ce sont les lecteurs désormais qui le révéleront à lui-même. Vous éprouvez à ce moment-là un grand vide et le sentiment d’avoir été abandonné. Et aussi une sorte d’insatisfaction à cause de ce lien entre le livre et vous, qui a été tranché trop vite. Cette insatisfaction et ce sentiment de quelque chose d’inaccompli vous poussent à écrire le livre suivant pour rétablir l’équilibre, sans que vous y parveniez jamais. À mesure que les années passent, les livres se succèdent et les lecteurs parleront d’une "œuvre ". Mais vous aurez le sentiment qu’il ne s’agissait que d’une longue fuite en avant.

Oui, le lecteur en sait plus long sur un livre que son auteur lui-même. Il se passe, entre un roman et son lecteur, un phénomène analogue à celui du développement des photos, tel qu’on le pratiquait avant l’ère du numérique. Au moment de son tirage dans la chambre noire, la photo devenait peu à peu visible. À mesure que l’on avance dans la lecture d’un roman, il se déroule le même processus chimique. Mais pour qu’il existe un tel accord entre l’auteur et son lecteur, il est nécessaire que le romancier ne force jamais son lecteur – au sens où l’on dit d’un chanteur qu’il force sa voix – mais l’entraîne imperceptiblement et lui laisse une marge suffisante pour que le livre l’imprègne peu à peu, et cela par un art qui ressemble à l’acupuncture où il suffit de piquer l’aiguille à un endroit très précis et le flux se propage dans le système nerveux.

Cette relation intime et complémentaire entre le romancier et son lecteur, je crois que l’on en retrouve l’équivalent dans le domaine musical. J’ai toujours pensé que l’écriture était proche de la musique mais beaucoup moins pure que celle-ci et j’ai toujours envié les musiciens qui me semblaient pratiquer un art supérieur au roman – et les poètes, qui sont plus proches des musiciens que les romanciers. J’ai commencé à écrire des poèmes dans mon enfance et c’est sans doute grâce à cela que j’ai mieux compris la réflexion que j’ai lue quelque part : « C’est avec de mauvais poètes que l’on fait des prosateurs. » Et puis, en ce qui concerne la musique, il s’agit souvent pour un romancier d’entraîner toutes les personnes, les paysages, les rues qu’il a pu observer dans une partition musicale où l’on retrouve les mêmes fragments mélodiques d’un livre à l’autre, mais une partition musicale qui lui semblera imparfaite. Il y aura, chez le romancier, le regret de n’avoir pas été un pur musicien et de n’avoir pas composé Les Nocturnes de Chopin.

Le manque de lucidité et de recul critique d’un romancier vis-à-vis de l’ensemble de ses propres livres tient aussi à un phénomène que j’ai remarqué dans mon cas et dans celui de beaucoup d’autres : chaque nouveau livre, au moment de l’écrire, efface le précédent au point que j’ai l’impression de l’avoir oublié. Je croyais les avoir écrits les uns après les autres de manière discontinue, à coups d’oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l’un à l’autre, comme les motifs d’une tapisserie que l’on aurait tissée dans un demi-sommeil. Un demi-sommeil ou bien un rêve éveillé. Un romancier est souvent un somnambule, tant il est pénétré par ce qu’il doit écrire, et l’on peut craindre qu’il se fasse écraser quand il traverse une rue. Mais l’on oublie cette extrême précision des somnambules qui marchent sur les toits sans jamais tomber.

Dans la déclaration qui a suivi l’annonce de ce prix Nobel, j’ai retenu la phrase suivante, qui était une allusion à la dernière guerre mondiale : "Il a dévoilé le monde de l’Occupation." Je suis comme toutes celles et ceux nés en 1945, un enfant de la guerre, et plus précisément, puisque je suis né à Paris, un enfant qui a dû sa naissance au Paris de l’Occupation. Les personnes qui ont vécu dans ce Paris-là ont voulu très vite l’oublier, ou bien ne se souvenir que de détails quotidiens, de ceux qui donnaient l’illusion qu’après tout la vie de chaque jour n’avait pas été si différente de celle qu’ils menaient en temps normal. Un mauvais rêve et aussi un vague remords d’avoir été en quelque sorte des survivants. Et lorsque leurs enfants les interrogeaient plus tard sur cette période et sur ce Paris-là, leurs réponses étaient évasives. Ou bien ils gardaient le silence comme s’ils voulaient rayer de leur mémoire ces années sombres et nous cacher quelque chose. Mais devant les silences de nos parents, nous avons tout deviné, comme si nous l’avions vécu.

Ville étrange que ce Paris de l’Occupation. En apparence, la vie continuait, "comme avant" : les théâtres, les cinémas, les salles de music-hall, les restaurants étaient ouverts. On entendait des chansons à la radio. Il y avait même dans les théâtres et les cinémas beaucoup plus de monde qu’avant-guerre, comme si ces lieux étaient des abris où les gens se rassemblaient et se serraient les uns contre les autres pour se rassurer. Mais des détails insolites indiquaient que Paris n’était plus le même qu’autrefois. À cause de l’absence des voitures, c’était une ville silencieuse – un silence où l’on entendait le bruissement des arbres, le claquement de sabots des chevaux, le bruit des pas de la foule sur les boulevards et le brouhaha des voix. Dans le silence des rues et du black-out qui tombait en hiver vers cinq heures du soir et pendant lequel la moindre lumière aux fenêtres était interdite, cette ville semblait absente à elle-même – la ville "sans regard", comme disaient les occupants nazis. Les adultes et les enfants pouvaient disparaître d’un instant à l’autre, sans laisser aucune trace, et même entre amis, on se parlait à demi-mot et les conversations n’étaient jamais franches, parce qu’on sentait une menace planer dans l’air.

Dans ce Paris de mauvais rêve, où l’on risquait d’être victime d’une dénonciation et d’une rafle à la sortie d’une station de métro, des rencontres hasardeuses se faisaient entre des personnes qui ne se seraient jamais croisées en temps de paix, des amours précaires naissaient à l’ombre du couvre-feu sans que l’on soit sûr de se retrouver les jours suivants. Et c’est à la suite de ces rencontres souvent sans lendemain, et parfois de ces mauvaises rencontres, que des enfants sont nés plus tard. Voilà pourquoi le Paris de l’Occupation a toujours été pour moi comme une nuit originelle. Sans lui je ne serais jamais né. Ce Paris-là n’a cessé de me hanter et sa lumière voilée baigne parfois mes livres.

Voilà aussi la preuve qu’un écrivain est marqué d’une manière indélébile par sa date de naissance et par son temps, même s’il n’a pas participé d’une manière directe à l’action politique, même s’il donne l’impression d’être un solitaire, replié dans ce qu’on appelle "sa tour d’ivoire". Et s’il écrit des poèmes, ils sont à l’image du temps où il vit et n’auraient pas pu être écrits à une autre époque.

Ainsi le poème de Yeats, ce grand écrivain irlandais, dont la lecture m’a toujours profondément ému : Les cygnes sauvages à Coole. Dans un parc, Yeats observe des cygnes qui glissent sur l’eau :
Le dix-neuvième automne est descendu sur moi
 
Depuis que je les ai comptés pour la première fois ;

Je les vis, avant d’en avoir pu finir le compte

Ils s’élevaient soudain

Et s’égayaient en tournoyant en grands cercles brisés

Sur leurs ailes tumultueuses
Mais maintenant ils glissent sur les eaux tranquilles

Majestueux et pleins de beauté.

Parmi quels joncs feront-ils leur nid,

Sur la rive de quel lac, de quel étang

Enchanteront-ils d’autres yeux lorsque je m’éveillerai

Et trouverai, un jour, qu’ils se sont envolés ?

Les cygnes apparaissent souvent dans la poésie du XIXe siècle – chez Baudelaire ou chez Mallarmé. Mais ce poème de Yeats n’aurait pas pu être écrit au XIXe siècle. Par son rythme particulier et sa mélancolie, il appartient au XXe siècle et même à l’année où il a été écrit.

Il arrive aussi qu’un écrivain du XXIe siècle se sente, par moments, prisonnier de son temps et que la lecture des grands romanciers du XIXe siècle – Balzac, Dickens, Tolstoï, Dostoïevski – lui inspire une certaine nostalgie. À cette époque-là, le temps s’écoulait d’une manière plus lente qu’aujourd’hui et cette lenteur s’accordait au travail du romancier car il pouvait mieux concentrer son énergie et son attention. Depuis, le temps s’est accéléré et avance par saccades, ce qui explique la différence entre les grands massifs romanesques du passé, aux architectures de cathédrales, et les œuvres discontinues et morcelées d’aujourd’hui. Dans cette perspective, j’appartiens à une génération intermédiaire et je serais curieux de savoir comment les générations suivantes qui sont nées avec l’internet, le portable, les mails et les tweets exprimeront par la littérature ce monde auquel chacun est "connecté" en permanence et où les "réseaux sociaux" entament la part d’intimité et de secret qui était encore notre bien jusqu’à une époque récente – le secret qui donnait de la profondeur aux personnes et pouvait être un grand thème romanesque. Mais je veux rester optimiste concernant l’avenir de la littérature et je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l’a fait chaque génération depuis Homère …

Et d’ailleurs, un écrivain, comme tout autre artiste, a beau être lié à son époque de manière si étroite qu’il n’y échappe pas et que le seul air qu’il respire, c’est ce qu’on appelle "l’air du temps", il exprime toujours dans ses œuvres quelque chose d’intemporel. Dans les mises en scène des pièces de Racine ou de Shakespeare, peu importe que les personnages soient vêtus à l’antique ou qu’un metteur en scène veuille les habiller en blue-jeans et en veste de cuir. Ce sont des détails sans importance. On oublie, en lisant Tolstoï, qu’Anna Karénine porte des robes de 1870 tant elle nous est proche après un siècle et demi. Et puis certains écrivains, comme Edgar Poe, Melville ou Stendhal, sont mieux compris deux cents ans après leur mort que par ceux qui étaient leurs contemporains.

En définitive, à quelle distance exacte se tient un romancier ? En marge de la vie pour la décrire, car si vous êtes plongé en elle – dans l’action – vous en avez une image confuse. Mais cette légère distance n’empêche pas le pouvoir d’identification qui est le sien vis-à-vis de ses personnages et celles et ceux qui les ont inspirés dans la vie réelle. Flaubert a dit : "Madame Bovary, c’est moi." Et Tolstoï s’est identifié tout de suite à celle qu’il avait vue se jeter sous un train une nuit, dans une gare de Russie. Et ce don d’identification allait si loin que Tolstoï se confondait avec le ciel et le paysage qu’il décrivait et qu’il absorbait tout, jusqu’au plus léger battement de cil d’Anna Karénine. Cet état second est le contraire du narcissisme car il suppose à la fois un oubli de soi-même et une très forte concentration, afin d’être réceptif au moindre détail. Cela suppose aussi une certaine solitude. Elle n’est pas un repli sur soi-même, mais elle permet d’atteindre à un degré d’attention et d’hyper-lucidité vis-à-vis du monde extérieur pour le transposer dans un roman.

J’ai toujours cru que le poète et le romancier donnaient du mystère aux êtres qui semblent submergés par la vie quotidienne, aux choses en apparence banales, – et cela à force de les observer avec une attention soutenue et de façon presque hypnotique. Sous leur regard, la vie courante finit par s’envelopper de mystère et par prendre une sorte de phosphorescence qu’elle n’avait pas à première vue mais qui était cachée en profondeur. C’est le rôle du poète et du romancier, et du peintre aussi, de dévoiler ce mystère et cette phosphorescence qui se trouvent au fond de chaque personne. Je pense à mon cousin lointain, le peintre Amedeo Modigliani dont les toiles les plus émouvantes sont celles où il a choisi pour modèles des anonymes, des enfants et des filles des rues, des servantes, de petits paysans, de jeunes apprentis. Il les a peints d’un trait aigu qui rappelle la grande tradition toscane, celle de Botticelli et des peintres siennois du Quattrocento. Il leur a donné ainsi – ou plutôt il a dévoilé – toute la grâce et la noblesse qui étaient en eux sous leur humble apparence. Le travail du romancier doit aller dans ce sens-là. Son imagination, loin de déformer la réalité, doit la pénétrer en profondeur et révéler cette réalité à elle-même, avec la force des infrarouges et des ultraviolets pour détecter ce qui se cache derrière les apparences. Et je ne serais pas loin de croire que dans le meilleur des cas le romancier est une sorte de voyant et même de visionnaire. Et aussi un sismographe, prêt à enregistrer les mouvements les plus imperceptibles.

J’ai toujours hésité avant de lire la biographie de tel ou tel écrivain que j’admirais. Les biographes s’attachent parfois à de petits détails, à des témoignages pas toujours exacts, à des traits de caractère qui paraissent déconcertants ou décevants et tout cela m’évoque ces grésillements qui brouillent certaines émissions de radio et rendent inaudibles les musiques ou les voix. Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain et c’est là qu’il est au meilleur de lui-même et qu’il nous parle à voix basse sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite.

Mais en lisant la biographie d’un écrivain, on découvre parfois un événement marquant de son enfance qui a été comme une matrice de son œuvre future et sans qu’il en ait eu toujours une claire conscience, cet événement marquant est revenu, sous diverses formes, hanter ses livres. Aujourd’hui, je pense à Alfred Hitchcock, qui n’était pas un écrivain mais dont les films ont pourtant la force et la cohésion d’une œuvre romanesque. Quand son fils avait cinq ans, le père d’Hitchcock l’avait chargé d’apporter une lettre à un ami à lui, commissaire de police. L’enfant lui avait remis la lettre et le commissaire l’avait enfermé dans cette partie grillagée du commissariat qui fait office de cellule et où l’on garde pendant la nuit les délinquants les plus divers. L’enfant, terrorisé, avait attendu pendant une heure, avant que le commissaire ne le délivre et ne lui dise : "Si tu te conduis mal dans la vie, tu sais maintenant ce qui t’attend." Ce commissaire de police, qui avait vraiment de drôles de principes d’éducation, est sans doute à l’origine du climat de suspense et d’inquiétude que l’on retrouve dans tous les films d’Alfred Hitchcock.

Je ne voudrais pas vous ennuyer avec mon cas personnel mais je crois que certains épisodes de mon enfance ont servi de matrice à mes livres, plus tard. Je me trouvais le plus souvent loin de mes parents, chez des amis auxquels ils me confiaient et dont je ne savais rien, et dans des lieux et des maisons qui se succédaient. Sur le moment, un enfant ne s’étonne de rien, et même s’il se trouve dans des situations insolites, cela lui semble parfaitement naturel. C’est beaucoup plus tard que mon enfance m’a paru énigmatique et que j’ai essayé d’en savoir plus sur ces différentes personnes auxquelles mes parents m’avaient confié et ces différents lieux qui changeaient sans cesse. Mais je n’ai pas réussi à identifier la plupart de ces gens ni à situer avec une précision topographique tous ces lieux et ces maisons du passé. Cette volonté de résoudre des énigmes sans y réussir vraiment et de tenter de percer un mystère m’a donné l’envie d’écrire, comme si l’écriture et l’imaginaire pourraient m’aider à résoudre enfin ces énigmes et ces mystères.

Et puisqu’il est question de "mystères", je pense, par une association d’idées, au titre d’un roman français du XIXe siècle : Les mystères de Paris. La grande ville, en l’occurrence Paris, ma ville natale, est liée à mes premières impressions d’enfance et ces impressions étaient si fortes que, depuis, je n’ai jamais cessé d’explorer les « mystères de Paris ». Il m’arrivait, vers neuf ou dix ans, de me promener seul, et malgré la crainte de me perdre, d’aller de plus en plus loin, dans des quartiers que je ne connaissais pas, sur la rive droite de la Seine. C’était en plein jour et cela me rassurait. Au début de l’adolescence, je m’efforçais de vaincre ma peur et de m’aventurer la nuit, vers des quartiers encore plus lointains, par le métro. C’est ainsi que l’on fait l’apprentissage de la ville et, en cela, j’ai suivi l’exemple de la plupart des romanciers que j’admirais et pour lesquels, depuis le XIXe siècle, la grande ville – qu’elle se nomme Paris, Londres, Saint-Pétersbourg, Stockholm – a été le décor et l’un des thèmes principaux de leurs livres.

Edgar Poe dans sa nouvelle "L’homme des foules" a été l’un des premiers à évoquer toutes ces vagues humaines qu’il observe derrière les vitres d’un café et qui se succèdent interminablement sur les trottoirs. Il repère un vieil homme à l’aspect étrange et il le suit pendant la nuit dans différents quartiers de Londres pour en savoir plus long sur lui. Mais l’inconnu est "l’homme des foules" et il est vain de le suivre, car il restera toujours un anonyme, et l’on n’apprendra jamais rien sur lui. Il n’a pas d’existence individuelle, il fait tout simplement partie de cette masse de passants qui marchent en rangs serrés ou bien se bousculent et se perdent dans les rues.

Et je pense aussi à un épisode de la jeunesse du poète Thomas De Quincey, qui l’a marqué pour toujours. À Londres, dans la foule d’Oxford Street, il s’était lié avec une jeune fille, l’une de ces rencontres de hasard que l’on fait dans une grande ville. Il avait passé plusieurs jours en sa compagnie et il avait dû quitter Londres pour quelque temps. Ils étaient convenus qu’au bout d’une semaine, elle l’attendrait tous les soirs à la même heure au coin de Tichfield Street. Mais ils ne se sont jamais retrouvés. "Certainement nous avons été bien des fois à la recherche l’un de l’autre, au même moment, à travers l’énorme labyrinthe de Londres ; peut-être n’avons-nous été séparés que par quelques mètres – il n’en faut pas davantage pour aboutir à une séparation éternelle."

Pour ceux qui y sont nés et y ont vécu, à mesure que les années passent, chaque quartier, chaque rue d’une ville, évoque un souvenir, une rencontre, un chagrin, un moment de bonheur. Et souvent la même rue est liée pour vous à des souvenirs successifs, si bien que grâce à la topographie d’une ville, c’est toute votre vie qui vous revient à la mémoire par couches successives, comme si vous pouviez déchiffrer les écritures superposées d’un palimpseste. Et aussi la vie des autres, de ces milliers et milliers d’inconnus, croisés dans les rues ou dans les couloirs du métro aux heures de pointe.

C’est ainsi que dans ma jeunesse, pour m’aider à écrire, j’essayais de retrouver de vieux annuaires de Paris, surtout ceux où les noms sont répertoriés par rues avec les numéros des immeubles. J’avais l’impression, page après page, d’avoir sous les yeux une radiographie de la ville, mais d’une ville engloutie, comme l’Atlantide, et de respirer l’odeur du temps. À cause des années qui s’étaient écoulées, les seules traces qu’avaient laissées ces milliers et ces milliers d’inconnus, c’était leurs noms, leurs adresses et leurs numéros de téléphone. Quelquefois, un nom disparaissait, d’une année à l’autre. Il y avait quelque chose de vertigineux à feuilleter ces anciens annuaires en pensant que désormais les numéros de téléphone ne répondraient pas. Plus tard, je devais être frappé par les vers d’un poème d’Ossip Mandelstam :
Je suis revenu dans ma ville familière jusqu’aux sanglots

Jusqu’aux ganglions de l’enfance, jusqu’aux nervures sous la peau.
Pétersbourg ! […]
De mes téléphones, tu as les numéros. 
Pétersbourg ! J’ai les adresses d’autrefois 

Où je reconnais les morts à leurs voix.

Oui, il me semble que c’est en consultant ces anciens annuaires de Paris que j’ai eu envie d’écrire mes premiers livres. Il suffisait de souligner au crayon le nom d’un inconnu, son adresse et son numéro de téléphone et d’imaginer quelle avait été sa vie, parmi ces centaines et ces centaines de milliers de noms.

On peut se perdre ou disparaître dans une grande ville. On peut même changer d’identité et vivre une nouvelle vie. On peut se livrer à une très longue enquête pour retrouver les traces de quelqu’un, en n’ayant au départ qu’une ou deux adresses dans un quartier perdu. La brève indication qui figure quelquefois sur les fiches de recherche a toujours trouvé un écho chez moi : Dernier domicile connu. Les thèmes de la disparition, de l’identité, du temps qui passe sont étroitement liés à la topographie des grandes villes. Voilà pourquoi, depuis le XIXe siècle, elles ont été souvent le domaine des romanciers et quelques-uns des plus grands d’entre eux sont associés à une ville : Balzac et Paris, Dickens et Londres, Dostoïevski et Saint-Pétersbourg, Tokyo et Nagaï Kafû, Stockholm et Hjalmar Söderberg.

J’appartiens à une génération qui a subi l’influence de ces romanciers et qui a voulu, à son tour, explorer ce que Baudelaire appelait "les plis sinueux des grandes capitales". Bien sûr, depuis cinquante ans, c’est-à-dire l’époque où les adolescents de mon âge éprouvaient des sensations très fortes en découvrant leur ville, celles-ci ont changé. Quelques-unes, en Amérique et dans ce qu’on appelait le tiers-monde, sont devenues des "mégapoles" aux dimensions inquiétantes. Leurs habitants y sont cloisonnés dans des quartiers souvent à l’abandon, et dans un climat de guerre sociale. Les bidonvilles sont de plus en plus nombreux et de plus en plus tentaculaires. Jusqu’au XXe siècle, les romanciers gardaient une vision en quelque sorte "romantique" de la ville, pas si différente de celle de Dickens ou de Baudelaire. Et c’est pourquoi j’aimerais savoir comment les romanciers de l’avenir évoqueront ces gigantesques concentrations urbaines dans des œuvres de fiction.

Vous avez eu l’indulgence de faire allusion concernant mes livres à "l’art de la mémoire avec lequel sont évoquées les destinées humaines les plus insaisissables." Mais ce compliment dépasse ma personne. Cette mémoire particulière qui tente de recueillir quelques bribes du passé et le peu de traces qu’ont laissé sur terre des anonymes et des inconnus est elle aussi liée à ma date de naissance : 1945. D’être né en 1945, après que des villes furent détruites et que des populations entières eurent disparu, m’a sans doute, comme ceux de mon âge, rendu plus sensible aux thèmes de la mémoire et de l’oubli.

Il me semble, malheureusement, que la recherche du temps perdu ne peut plus se faire avec la force et la franchise de Marcel Proust. La société qu’il décrivait était encore stable, une société du XIXe siècle. La mémoire de Proust fait ressurgir le passé dans ses moindres détails, comme un tableau vivant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter sans cesse contre l’amnésie et contre l’oubli. À cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables.

Mais c’est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l’oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l’océan.

jeudi 27 novembre 2014

La loi


Il y a des hommes et femmes qui, en dehors de tout clivages politiques forcent l'admiration.
Simone Veil est de ces êtres qui se sont dressés pour que les "choses" avancent.

Synopsis

Le 29 novembre 1974, l'Assemblée adopte la loi légalisant l'IVG... Derrière ce texte, seule contre sa majorité et contre les relents d'antisémitisme, se tient une femme, Simone Veil. Le film retrace les trois jours de débats précédant le vote. Trois jours au cours desquels rien ne lui sera épargné : solitude, tractations politiques, débats ouverts, injures et violences faites à sa famille.
Réalisation : Christian Faure.
Scénario : Fanny Burdino, Samuel Doux et Mazarine Pingeot.

J'ai donc passé cette soirée du 26 novembre devant mon petit écran, essayant de retrouver l'ambiance de l'époque.
Autour de moi, pour autant que je me souvienne, l'ambiance était plutôt en faveur de cette loi. Tous, nous avions des exemples de détresses, et si certaines affirmaient ne pas vouloir y recourir, elles étaient pour. Les avortements illégaux étaient un fait de société et il fallait aider les plus démunies.

La journaliste, Myriam, personnage fictif nous aide à comprendre ce qui se passait à l'époque. Tant dans l'opposition au texte où la violence était réelle que sur les jeunes femmes en détresses trop souvent rejetées par leur famille, ou mutilées sans vergogne par des "faiseuses ou faiseurs d'anges" sans scrupule.

Les années sont passées, et je dois avouer que parfois nous régressons sur les acquis. Il faudra sûrement à mes petits enfants, et en particuliers à mes petites filles, une grande vigilance pour que les "choses" ne se détériorent pas. Être une femme reste donc une lutte perpétuelle.

mercredi 19 novembre 2014

Ajaccio

La Corse autrement!


Ceux qui me connaissent le savent; je ne suis pas fan de soleil, de mer et de plage. Alors partir à la découverte d' Ajaccio un 14 novembre avait tout pour me séduire.

Notre première découverte fut la pointe de la Parata. Nous avons suivi le chemin des senteurs nous menant à la tour génoise. Nous fûmes envoutés par les divers points de vues sur les îles Sanguinaires, sur le golfe d'Ajaccio, les vagues s'échouant. Très peu de promeneurs, sûrement des amateurs comme nous d'espace rendu à la nature par la saison déjà avancée.




Nous avons flâné dans les rues de la ville, il faut bien dire que nous avons attrapé de belles "saucées" et que nos kaways peu utilisés en Irlande nous ont été plus qu'utiles.

Nous avons visité le musée Fesch. Ce cardinal, demi frère de Laetizia Bonaparte, accumula au cours de son existence de véritables trésors.
Ce musée présentent de nombreuses oeuvres du XIVè au XXè siècles. 


Et au détour d'une des salles, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant une oeuvre dont ma fille m'avait quelques jours plutôt beaucoup parlée, suite à sa lecture de " Le Turquetto" de Metin Arditi.

L' homme au gant de Titien.

Nous sommes partis en direction Bastellica et avons rejoint le lac de Tulla. En cette saison, la nature nous offre toute une palette de couleur, à chaque pas nous nous émerveillons de toutes ses nuances. Nous avons croisé un cochon sauvage, parlé avec des chasseurs ( ils déploraient la "perte" du cochon!), regardé quelques hérons. 





Les cascades dévalent les montagnes nous offrant une eau pure.

Nous ne pouvions pas ne pas aller visiter la maison natale de Napoléon. (Les empereurs français ne sont pas si nombreux!). Nous l'avons découverte au coeur de la cité génoise, c'est le musée de la maison Bonaparte. Napoléon y vit le jour le 15 août 1769, la maison appartenait à sa famille depuis 1682. Beaucoup d'objets ayant appartenu à Bonaparte ou à ses proches. Une visite enrichissante.


Puis nous avons pris la direction de Propriano, une route "des côtes" que nous n'avons pas particulièrement appréciée…Les bords de mers et rivages étant tous occupés par des villas…
En arrivant, nous avons pris ce superbe coucher de soleil:


Il nous restait à arpenter de nouveau les rues et les bords de la Méditerranée d'Ajaccio. Les vagues s'échouant dans un grand vacarme, les éclairs et le tonnerre, Ajaccio vue ainsi nous a séduite. Je ne sais pas combien de fois mon mari c'est exclamé : "Que c'est beau! Je suis content!".




Bien évidemment nous avons mangé, parmi les restaurants nous en avons trouvé un plus qu'original, 
"Le 20123"
À l'origine (1987), ce restaurant était situé au village de Pina Canale, dans la vallée de Taravo
Résistant à l'exode rural pendant onze ans, il finira par rejoindre Ajaccio en 1998.
Ne voulant rien changer au cadre de son restaurant, le propriétaire a recréé la place du village, sa fontaine (où on doit aller remplir nos carafes), sa poste, ses rues et son ciel étoilé.
À l'étage, on découvre une barque renversée.
La cuisine est corse uniquement, familiale, pas de carte, mais les serveurs, au fort accent corse, nous proposent deux plats pour chaque étape du repas. Nous choisirons donc chacun trois plats différents, puis le fromage, corse lui aussi, servi avec de la confiture de figue, et enfin le dessert (sans moi svp).
Les plats étaient excessivement copieux, le service sympathique et l'ambiance agréable.
Nous n'avions pas réservé, mais nous avons quand même eu la chance d'être servi.
Le prix du menu était unique, un peu cher c'est vrai, mais les assiettes étaient bien pleines.
Je crois que mon mari a ajouté "Je suis content!!!"

Lorsque le 17 nous avons rejoins l'aéroport, il pleuvait des trombes d'eau. Au décollage le pilote a dit "Si je vous dis qu'il fait beau vous ne me croirez pas, il pleut!"
Cinquante minutes plus tard, c'est sous un joli soleil que nous avons retrouvé le continent.
Heureux et contents tous les deux de ce séjour "Corse autrement".

mardi 18 novembre 2014

Un petit tour par Vigneux sur Seine.

Le sept novembre, quel bonheur que de voir ce « grand » garçon courir vers nous en nous disant toute sa joie de nous voir.
Il était quinze heure trente, nous avons récupéré notre petit fils à l’école et nous sommes parti chez lui.
Sa mère avait oublié d’ajouter au trousseau la clé du portillon, il a fallu escalader le muret  afin d’accéder à la porte d’entrée…On avait un petit air de cambrioleurs ainsi en poussant ce tout jeune homme à sauter par dessus la grille.
Puis à seize heure nous avons retrouvé le reste de notre tribu, tous heureux de nous retrouver, et accessoirement d’ouvrir quelques paquets.
Le huit, Théo a fêté ses onze ans.



Pour le téléthon, avec quelques jours d'avance, les dépanneurs de la ville de Vigneux avaient organisé un défilé de leurs camions décorés. Nous avons couru jusqu'au bout de la rue pour voir de superbes camions, certain anciens, certains même remorqués, quelques magnifiques "antiquités" aussi. Et des klaxons assourdissants…Un beau défilé pour une belle cause.



vendredi 31 octobre 2014

Halloween

Ce matin, mon mari s’est frotté les mains et contre toute attente a déclaré : 
« — Je vais préparer Halloween! 
   — Ta vas faire quoi??? 
   — T’inquiètes pas je m’occupe de tout !»



Nous avons laissé le portillon entrouvert, et nous avons attendu les petits monstres.


Les premiers qui sont passés ont eu droit à la fameuse blague de « Pépé » …J’étais stupéfaite…Non, il ne va pas oser…
« — Des bonbons, si vous en voulez, il faut répondre à mon énigme. 
   — Heu… oui , d’accord…
   — Un chinois qui monte sur un arbre, ça fait quoi? 
   — Heu heuuuu…  
   — Un chinois de moins sûr terre — Ha oui!
   — Et une autre chinois qui monte sûr l’arbre ?
   — (ravis d’avoir la solution, ensembles il s’écrient) Deux chinois de moins sûr terre!!!
   — Mais non, un chinois de plus sûr l’arbre !
   — et un troisième chinois sûr l’arbre ça fait quoi???     
   —  Conciliabules… heu… un troisième…de moins…non de plus…
   — La branche casse !… Venez-vous servir !» 
 Je ne vous raconte pas la joie de Pierre.




Il en est passé beaucoup d’autres, mais s’ils étaient bien déguisés, ils étaient trop reconnaissables pour que je les ajoute ici.
Un groupe d’ados non déguisés… « Ha je vois, vous ne vous êtes pas foulés, leur dis-je, on va dire que vous êtes déguisés en « Ados», mais la prochaine fois faites un effort. »
Et pour punition, ils ont eu droit à la blague à Pépé. J’ai été surprise, ils ne la connaissaient pas!!!

La si petite Louanne et son petit frère Mathis (accompagnés de leur mamie), qui ont failli ne pas venir « Vous ne voulez pas de bonbons??? Si on peut… en prendre aussi pour papa et maman…Mais quand même on a de la chance, je crois que je vais le manger aussi celui-là »

Je ne pensais pas que nous aurions autant de succès…
«  Ils sont contents je crois? - Ma puce, je crois aussi et surtout que c’est toi qui es content! »

Je dois dire que nous avons passé une très agréable soirée.



lundi 13 octobre 2014

Mercredi 8 octobre 2014 : Le retour.


Notre voyage s’achève, la dernière nuit à Dublin, la voiture rendue nous avons arpenté le hall de l’aéroport.
Nos dernières cartes postales postées, la frontière passée et la zone « duty free » traversée, nous nous installons dans la zone d’embarquement…Je finis « Dolfi et Marilyn » et je décide d’entamer « L’envol des anges », je trouve le titre prédestiné!

Lorsque nous sommes arrivés en Irlande, nous n’avons pas pu programmer notre téléphone pour recevoir ou donner des appels…Nous nous sommes donc retrouvé complètement isolés de notre famille…Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, nous voilà tous les deux seuls, comme il y a presque quarante ans, quand nous partions sans nous soucier d’autre chose que de nous. Finalement, nous avons pour ce séjour laissé tous nos soucis et toutes nos angoisses.
Nous voilà à Charles de Gaulle, je peux enfin contacter ma fille et savoir que tout va bien…huit jours, c’était pas la fin du monde, mais je suis soulagée.
Nous n’avons plus qu’à patienter et attendre le vol pour Montpellier. Je lis mon Connelly, Pierre lui doit certainement faire une belote sur  le téléphone…
J’entend du bruit et je lève les yeux…Je croise le regard de Juliette Gréco, elle me sourit et s’assoie un peu plus loin…je dis à mon mari « C’est Gréco », « oui » puis je l’entend parler, elle n’était pas seule … si j’avais eu le moindre doute, là je n’en avais plus aucun.
Les plus jeunes ne doivent pas se souvenir, j’étais encore une petite fille alors qu’elle arpentait les couloirs du Louvre en Belphégor, lorsqu’elle interprétait de sa voix si particulière « Si tu t’imagines » ou encore « Jolie môme ».
Toute de noir vêtue, avec toujours la même coupe de cheveu, peu maquillée, j’ai trouvé dans le regard de cette dame de 87 ans toute la malice de la grande star qu’elle fut.
Mon mari me glisse à l’oreille « Déshabillez-moi… » et nous embarquons.

Voilà une bien agréable façon de finir notre voyage.

dimanche 12 octobre 2014

Nos rencontres en Irlande.

L’Irlande, c’est aussi et surtout des irlandais.
Un peuple sympathique à l’histoire fascinante.
Des invasions diverses, des luttes pour conserver leur identité nationale, leur culte et leur langue.

Nous avons compris très vite qu’il nous faudrait parler anglais…
Les irlandais parlent irlandais, bien sûr, l’anglais sans problème, mais beaucoup moins le français.
Aux réceptions des hôtels, en tout cas, pas un mot de français…Parfois certains faisaient l’effort, mais constatant que mon mari comprenait et répondait, ils continuaient en anglais…Alors je devais faire appel à mes vieux souvenirs scolaires, à un anglais de lycée trop souvent négligé.


Mais nous avons rencontré aussi des irlandais heureux de nous parler français…
Ainsi à ce bureau de poste ou le receveur m’a gentiment répondu… « Hooo…pour la Fraaance, je peux vous vendre un carnet de dix timbres…it’s OK… » me dit-il en me montrant le carnet…Je ne suis pas entré dans le débat, « Je n’en veux que cinq », j’ai juste dit dans ma langue natale: « super, c’est ok, merci beaucoup »

Le guichetier du musée de Limerick aussi parlait plutôt un bon français. Accueillant lui aussi, nous donnant des audio-guides programmés en français.

Mais si peu d’entre-eux parlaient notre langue, ce qui d’ailleurs me parait normal, tous avaient le sourire. Tous répondaient en nous parlant lentement, n’hésitant pas à s’exprimer par gestes.

Mon mari c’est adressé à ce jeune homme pour savoir à quelle course cycliste nous assistions.
Tout en disant la position à chaque coureur qui passait, il a gentiment répondu, avec un très fort accent irlandais, en parlant trop vite pour que nous puissions tout comprendre…Mais on a saisi l’essentiel, il s’agissait d’une course de la vallée ouverte à tous les âges et tous les sexes….


Et puis il y a les pubs…dès que vous entrez, tout le monde répond à votre salut…Sympa de se trouver comme chez soi.




 « —Ce soir ici musique!— Super! musique celte???—ya ya!! »
Alors nous sommes restés pour notre première soirée.
(La musique celte c’était le pub d’à côté.)
Nous avons assisté à un concert de ballades irlandaises reprises en choeur par les spectateurs et entrecoupé de sketchs comiques.
Bon honnêtement je n’ai pas tout compris…mais quand même une histoire a attiré mon attention:
«Un allemand, un français et un irlandais achètent des condoms,
l’allemand achète une boite de 6, un pour le lundi, un le mardi, un le mercredi, un le jeudi, un vendredi et un samedi…le français une boite de 8,  un pour le lundi, un le mardi, un le mercredi, un le jeudi, un vendredi et un samedi…et twoo for sunday… mais l’irlandais achète une boite de 12… un pour janvier, un pour février, un pour mars… »
Et la salle de rire aux éclats, se moquant d’elle même.

Nous sommes tombé, à Limerick sur un groupe de touristes venant d’Angleterre, Certains d’entre-eux découvraient comme nous l’ Irlande et nous avons échangé (de façon succincte, mais non moins chaleureuse) nos impressions.
Puis repas faisant, bières aidant, les tables se sont rapprochées, un chanteur s’ est installé et les anglais se sont mis à danser.
Nous avons eu droit à un concert, chansons des années soixante dix à quatre-vingt.
Un homme arrive et salue tout le monde en serrant la main, Pierre lui tend la sienne et discute avec lui, jusque’ à ce que tout le monde éclate de rire et que l’homme s’aperçoive que Pierre ne faisait pas parti du groupe.
Enfin, mon mari s’adresse à une des anglaises en lui disant en anglais, « Nous on attend les chansons françaises » , elle se retourne vers un des membres du groupe et l’envoie parler au chanteur; il revient et nous dit: « Il connait pas de chansons françaises, mais moi si -frère jaques, frères Jacques…dormez-vous, dormez-vous- » et tout le monde de rire.
La soirée continue, fatigués nous décidons de nous retirer…Pierre se tourne vers une de nos charmante anglaise et lui dit:
 « —Maintenant on est content, il a chanté deux chansons françaises, on va se coucher contents
    —deux? Lesquelles…
    — Yellow river (l’Amérique) de Jo Dassin et Houahouahoua (vanina) de Dave
    — c’est vrai… c’est français??? »
Mon tendre époux a répondu « bien sûr », je ne suis pas aussi certaine que lui de l’origine des chansons, mais c’est sur cette note de bonne humeur que nous avons quitté le salle, avec des étoiles pleins les yeux et le coeur en fête.


Nous avons bien évidement, au cours de notre périple rencontré d’autres personnages haut en couleur et représentant avec beaucoup de gentillesse la verte Irlande.
Nous garderons le souvenir d’un très beau pays et d’habitants charmants.

À suivre: notre retour

samedi 11 octobre 2014

L’Irlande, ce vieux rêve. 3

Nous avons traversé plusieurs petites villes, mais nous nous sommes peu attardés.
La difficulté, c’est de savoir exactement où on est…Les panneaux indicateurs d’entrées de villages sont fantaisistes. Parfois une pierre sculptée, un panneau décoré en bois…

Un bureau de poste





 Bantry


 Waterville



 À Waterville, nous avons découvert une statue grandeur nature de « Charlot ». Un musée lui est dédié.


Nous avons posés nos valises pour deux nuits à Limerick.







Nous avons fait le tour à la cathédrale Sainte Mary et de son cimetière





Amateurs de « vieilles pierres » nous avons passé à peu près quatre heures dans le château.
Munis d’un audio guide nous avons fait une agréable visite des lieux reconstitués de façon très ludique. 
La maquette de Limerick au moyen-âge 















Quelques vues de Limerick prises de la plus haute tour du château.



à suivre: Nos rencontres irlandaises.